Etre parent d’un ado c’est se poser ces questions : qu’est-ce que moi plus jeune j’ai su ou perçu de la vie affective et sexuelle de mes parents ? Que vais-je changer dans cette méthode avec mes propres enfants ?
Le modèle parental
Les jeunes observent leurs proches du coin de l’œil et particulièrement leurs parents. Voilà pourquoi joindre le geste à la parole est essentiel quand vous leur faites la leçon car vos contradictions seront repérées et parfois pointées du doigt par vos ados. Le langage amoureux que vous parlez avec votre partenaire est le langage enseigné à vos enfants.
Quoi de plus touchant pour un enfant qu’un couple parental ou recomposé qui se manifeste du soutien, de la tendresse, de la douceur ? C’est un bel exemple qu’il aura certainement envie de reproduire, un tableau inspirant. Tous les enfants souhaitent voir leurs parents réunis ; pour autant, si le contexte familial est violent verbalement ou physiquement, si l’amour est à sens unique, si les parents s’ignorent, le meilleur est encore la séparation. Retenez que les parents sont des modèles masculin et/ou féminin représentés par des piliers qui peuvent partager leur savoir, et leurs raisonnements avec leurs enfants. Le parent est un modèle dès le plus jeune âge et même si la responsabilité est de taille, on dit toujours que rien ne peut être mal fait si c’est fait avec amour.
Parler d’amour pour parler de sexe
Dans notre culture occidentale, l’expérience sexuelle semble débridée dès le début. Pourtant, les jeunes de ce nouveau millénaire placent encore l’amour comme un critère important dans le choix du partenaire. Plus généralement, notre recherche de l’orgasme, du désir, de l’appartenance à un groupe ou à un réseau est en réalité une quête de reconnaissance et d’amour d’autrui.
Pour bien éduquer, commencez par répondre aux questions de votre enfant quand il les pose, en fonction de son âge bien sûr. Il est friand de récits concernant sa conception, il aime regarder des photos de sa petite enfance, comprendre où il a grandi en tant que fœtus. Cela parait bateau mais il a besoin de savoir d’où il vient. Le rapprochement intime entre un homme et une femme peut être évoqué à ce moment-là, la fécondation également car tous les enfants ne sont pas conçus par acte de pénétration.
Vous pourrez amener la nuance que l’acte amoureux entre un garçon et une fille ne conduit pas systématiquement à la conception d’un enfant pour aborder les notions d’amour et surtout de plaisir. Ne vous prenez pas la tête, saisissez simplement les perches tendues pour répondre à ses questions avec des termes simples et appropriés.
Complexe d’Œdipe et relations futures
Entre 3 et 7 ans, l’enfant développe une préférence pour le parent du sexe opposé ( notez que ce complexe peut parfois être inversé fille-mère, garçon-père sans pour autant induire une orientation homosexuelle). Cette attitude se traduit par un rejet d’un des parents et une admiration pour l’autre. Peu importe la préférence, l’enfant cherche à s’immiscer dans la relation de couple de ses parents qu’ils soient ses parents biologiques ou non. Dans tous les cas laissez l’enfant à sa place d’enfant, il est mieux dans sa chambre et dans son propre lit. J’ai volontairement donné une tranche d’âge indicative de 3 à 7 ans pour souligner qu’au delà de cette période, la préférence de l’enfant doit être moins tranchée.
Il est important de gérer au mieux cette période œdipienne car elle constitue le socle des futures relations amoureuses de cet enfant. Le parent élu doit savoir mettre une certaine distance avec son enfant même si c’est gratifiant. Les parents doivent unir leur discours et s’ils sont ensemble : rassurer sur la force de leur amour envers lui mais aussi lui faire comprendre que le couple qui s’aime c’est le leur. En cas de parents séparés, l’espace affectif vacant ne doit pas être comblé par l’enfant. Se séparer c’est accepter pour l’un ou l’autre d’avoir été abandonné. Pour avancer il faut pouvoir pardonner ça et ne pas abuser de son enfant en le prenant à témoin.
La pornographie un faux ami
A partir du moment où vous mettez un téléphone dans les mains de votre enfant, en moyenne entre 9 et 11 ans maintenant, celui-ci ne manquera pas de demander à Google la signification des mots inconnus et trash qu’il pourra entendre dans son entourage. Il obtiendra une réponse vidéos à l’appui. Plus jeune et plus vierge ils en regarderont, plus vite leur représentation de la sexualité sera faussée. Si vous soupçonnez que votre ado se masturbe, dites lui simplement que tout le monde le fait. Il n’y a rien de nocif à ça sauf si la masturbation devient compulsive et qu’elle conduit à la douleur devant des vidéos de plus en plus hard.
Pour en discuter, introduisez la notion de plaisir dans les rapports. Si l’on recherche du plaisir on crée un besoin. Le plaisir est sain et nécessaire puisqu’il est recherché dès la naissance par le nourrisson. Le plaisir c’est aussi faire attention à l’autre, partager. On peut parler de plaisir, d’amour, de séduction, d’angoisse, de sensation à nos ados. Si vous confiez cette tâche au porno, vos enfants verront des gens qui s’emboitent, des femmes hurlant de plaisir, des hommes endurants et montés comme des poneys, du sexe à plusieurs, des pénétrations anales, du bondage…Il n’y a pas de place pour l’érotisme, pour l’homme timide victime d’une panne, pour la fille silencieuse et angoissée qui ne parvient pas à s’ouvrir et à éprouver du plaisir. Pas de place pour la réalité tout compte fait. Votre dialogue, même s’il n’évitera pas la curiosité et les préoccupations des ados, peut parfois éviter les dysfonctions. Quels risques prenez-vous ? Aucun puisque c’est l’interdit qui excite. S’il n’y a pas ou peu d’interdits familiaux à transgresser, peut-être que « l’agir sexuel » viendra plus tard et de manière plus réfléchie. Parfois les premières images sont imposées par un plus grand, soyez vigilant dans votre fratrie ou lorsque votre enfant côtoie des plus grands que lui. Nous avons confiance en notre entourage amical et familial et pourtant les évènements dramatiques se produisent souvent dans ce cercle là. Pour ma part, je rêve d’une loi fixant la majorité smartphonale à 15 ans. Alignée sur la majorité sexuelle. elle prendrait tout son sens. L’espoir fait vivre.
Parler de la première fois
Actuellement, l’âge du premier rapport est toujours situé entre 16 et 17 ans en France. Ceci dit, vous n’êtes pas à l’abri que votre fille se soit essayée à la fellation à la sauvette au bal du coin depuis ses 14 ans. Sachez que vos ados commencent leur apprentissage de la sexualité plutôt vers cet âge. Je citais la pipe mais je peux aussi parler de cunnilingus, masturbation, mutuelle, attouchements, expérience homosexuelle…cette liste non exhaustive ne constitue pas une liste de préliminaires mais bien des actes sexuels, des expériences auxquelles le livrent les ados dès qu’ils en ont l’occasion, parfois simplement pour faire plaisir à l’autre et en général sans avoir eu le temps d’y réfléchir. Même si vous pensez que votre enfant est précoce, immature ou imprudent, ne vous moquez pas de lui, ne le culpabilisez pas ou encore ne lui faites pas honte par rapports à ses agissements, vous manqueriez une occasion d’échange avec lui.
La première fois avec pénétration est souvent improvisée à l’issue d’une soirée festive ou alcoolisée, vous ne pourrez donc pas prévoir le moment où ça arrivera. Lorsque vous en avez l’occasion et le temps, intéressez vous à son ressenti, parlez lui des rapports hommes femmes si vous le pensez hétérosexuel, en étant le plus vrai possible. Laissez aussi des préservatifs à disposition dans la pharmacie, ne la glissez pas sur la table du petit-déjeuner un beau matin mais laissez-là simplement à portée de main. Plus tôt on éveille l’enfant à l’éducation à la sexualité meilleurs seront les questionnements qu’il se fera quant au choix de ses partenaires. A quel âge mon ado est-il vraiment prêt pour son premier rapport coïtale ? Il n’y a pas de règles mais j’aime bien en parler au lycée avec ma collège du Centre de planification et leur dire qu’il faut simplement que tous les voyants soient au vert : les 3 « c » : le cerveau, le cœur et le cul.
Le look des ados
Transmettre des valeurs et des règles de bon sens fait aussi partie de l’éducation à la sexualité de nos enfants. J’écoutais récemment une CPE en lycée dire que les filles de son établissement revendiquaient le droit de montrer leur ventre. Elles s’étaient réunies devant le portail et avaient revendiqué le droit de s’habiller comme bon leur semblait au motif que les garçons n’ont qu’à être éduqués. Elles n’ont pas tort, effectivement éduquons nos garçons à obtenir le consentement d’une fille pour tout rapprochement intime. Montrer son ventre ou ses cuisses n’équivaut pas à écrire sur son front » vas-y touche, si c’est en vitrine c’est que tu peux y aller ». Apprenons aussi aux garçons qu’une hésitation ne vaut pas une acceptation, qu’on peut regarder mais pas toucher sans accord, qu’une jolie nana qui attire l’œil n’est pas un appel au viol.
En revanche, comme je disais en début de paragraphe, il faut aussi apprendre à respecter un cadre. Qu’on soit garçon ou fille, on ne s’habille pas pour aller à l’école comme pour aller en boîte de nuit et l’âge a son importance. C’est un service à rendre aux gamins que de leur apprendre ça puisque plus tard, dans le monde professionnel, ils découvriront que le code vestimentaire a un sens. Bien sûr qu’une fille ne cherche pas à se faire violenter parce qu’elle porte une brassière et un short échancré mais où porte-t-elle cette tenue ? A quel âge et avec qui ? Ne faisons pas de raccourci et ne jugeons pas les parties impliquées dans un drame quand il arrive, essayons plutôt de prévenir.
Mises en garde
Notre faculté à parler de sexualité avec nos enfants dépend souvent de la représentation que nous en avons. Même si pour certains, elle n’est pas leur tasse de thé, la sexualité fait partie de la vie, de la santé d’une personne et il faut la reconnaitre de façon positive. La mise en garde face aux IST (infections sexuellement transmissibles), aux grossesses non désirées c’est bien, mais élargir un peu notre vision de l’éducation à la sexualité c’est mieux. Il ne suffit pas de savoir placer un préservatif pour être épanoui et instruit sexuellement. Expliquez qu’on ne peut pas tout essayer au nom du consentement mutuel, parler de sa propre expérience en gardant bien sûr les détails de notre vie intime pour les amis mais soyez le plus vrai possible. Les peines de cœur, les expériences humiliantes et la détresse de ne pas être aimé détruit l’estime de soi et ne doit pas être pris à la légère. Observer son ado et et lui ouvrir la porte même si on désapprouve son comportement ou ses pratiques et se faire aider de professionnels de santé si besoin. J’ai de plus en plus de parents qui m’amènent leurs ados en séance et nous faisons un travail remarquable d’éducation et de déconstruction de mauvais schémas. Un ado a le droit d’exprimer ses frustrations comme vous avez le droit d’être sur la réserve et de lui expliquer pourquoi, sans vous fermer.
Les jeux sexuels entre enfants n’ont rien de pervers, l’enfant est curieux et veut parfois aller aux toilettes avec un autre ou encore voir ses parties intimes pour vérifier sa physiologie. La mise en garde n’a rien d’utile dans ces conditions. Cela me rappelle un épisode de l’école maternelle où une maîtresse a convoqué les parents d’une petite fille qui avait voulu voir la culotte d’une autre petite fille. Les magasins vendent des culottes et des boxers avec des motifs attrayants pour les enfants et il n’y a rien de pervers dans cette action. La seule perversion de ces jeux ce sont les comportements et jugements des adultes qui s’identifient au plaisir de l’enfant. Laissez couler, mais saisissez l’occasion pour parler à votre enfant et prévenir : il ne doit pas adopter ce comportement avec des adultes ou devant des adultes. Dès le plus jeune âge parlez du rapport au corps et mettez en garde l’enfant lorsqu’il se balade nu devant des adultes. Répétez lui que la découverte des corps est saine mais jamais avec un adulte ou une personne ayant l’ascendant sur lui (+ de 5 ans d’écart d’âge en référence). Ca ne permet pas toujours d’éviter des drames mais au moins d’introduire un climat de confiance et de permettre aux langues de se délier s’il se passe quelque chose d’anormal même intrafamilial.
En ce qui concerne le fait de se montrer nu ou pas devant son enfant, je vous dirais qu’il n’y a pas de norme, il s’agit de s’adapter à son âge et à son degré de pudeur. L’essentiel est de ne pas parader en toute circonstance. Avoir un verrou dans la chambre à coucher des parents peut s’avérer utile également. Si vous surprenez votre enfant en train d’observer votre pilosité, vos parties intimes, vos protections périodiques (si vous êtes une femme), saisissez tout bonnement la perche pour l’instruire sur la différence des sexes et ce qui se passe à partir de la puberté. Il est important de donner une image positive et saine de la sexualité à l’enfant en mettant un peu de côté certaines croyances familiales, si ce n’est pas inné. Souvent, il la découvre avec des faits divers ou des évènements familiaux et c’est regrettable. Mieux vaut risquer un conflit que de se taire. Les ados ont besoin d’un cadre, qu’on réagisse à leurs attitudes alors plutôt que de passer notre temps à les mettre en garde profitons d’une pub à la télé, d’une affiche pour lancer le sujet de l’intimité. Mettons l’accent sur le jeu, le partage, le bonheur de pouvoir conserver sa bonne santé si on aborde le préservatif par exemple. C’est une manière de dédramatiser.
Il est temps de conclure
En conclusion, je dirais qu’il n’y a pas de bonne méthode pour aborder le sujet. Je dois parfois vous paraitre injonctive dans mes propos, et pourtant, j’essaie simplement de vous conseiller en toute simplicité. Des ouvrages peuvent vous aider. Pour ma part j’ai été inspirée par le livre de Jocelyne Robert « parlez leur d’amour et de sexualité »
Derrière l’envie de connaitre le désir, le plaisir, la jouissance, il y a une profonde envie de représenter quelque chose et d’être aimé par autrui. Cet amour et cette attention, nous pouvons déjà l’apporter à notre niveau, en tant que parents, et montrer l’exemple. Dans notre société hypersexualisée, on ne trouve qu’un étalage de faits divers relatant des cas de viols, d’abus, de sexe sous contrainte ou au contraire d’exceptions. On voit rarement des couples qui vont bien témoigner sur la toile. C’est dommage car nous avons tous besoin de suivre un exemple. La ligne de conduite de nos enfants est parfois bien différente de la nôtre. L’aimer c’est lui faire confiance, lui fixer des limites à ne pas franchir mais aussi le laisser expérimenter pour qu’il puisse s’en fixer par la suite. Une sexualité naissante a besoin de carburant pour se construire et le fantasme est un bon carburant, à condition de rester dans la tête.
Article vraiment très intéressant, qui répond à pas mal de questions que l’on se pose avec nos ados ! Merci pour cette article
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Merci pour votre avis qui me va droit au cœur
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BRAVO pour ton article. Tout est expliqué simplement. Aborder la sexualité avec son enfant depuis son plus jeune âge jusqu’ à la fin de l’adolescence… par l’exemple, le cadre posé, des explications…. et bien sûr LA CONFIANCE réciproque. Merci
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